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16 Décembre 2019

CIR-CII : les 3 familles de critères pour bénéficier du dispositif

Le Crédit d’Impôt Recherche existe depuis 1983 et est considéré comme le dispositif de référence en matière d’aide à la R&D. Il a été complété en 2013 par le Crédit Impôt Innovation qui élargit le dispositif aux innovations produit. On pourrait croire que ce dispositif dont bénéficient près de 25.000 entreprises en France, principalement des PME (majoritaires en nombre mais malheureusement pas en volume de CIR !), est aujourd’hui bien connu. Acteur du CIR depuis 1995, aujourd’hui partenaire de la Station F, NÉVA a été amenée au fil des années à rencontrer de très nombreuses PME et startups. Et force est de constater que le CIR est mal connu. Les entreprises pensent très souvent, à tort, que tout projet innovant leur ouvrira systématiquement les portes du CIR-CII. 

Or les critères d’éligibilité au CIR-CII sont de trois ordres : techniques bien entendu, mais aussi, comptables et documentaires. Et votre entreprise doit répondre à l’ensemble de ces critères pour bénéficier du dispositif. 

Vous souhaitez savoir si vous êtes éligibles ?  Suivez le guide !

 

 

Première famille de critère : TECHNIQUES 

Cette première famille de critères est indéniablement la mieux connue des entreprises : le CIR (au sens large) finance les travaux engagés par l’entreprise au titre de la R&D ainsi qu’au titre des innovations produit.

Critères de R&D (CIR au sens strict) :

– originalité des travaux réalisés par rapport à l’état de l’art scientifique ou technique du domaine considéré ;

– complexité des travaux réalisés, qui doivent comporter des incertitudes à dissiper, des verrous à surmonter, de aléas, un processus d’itération systématique, impliquant la participation active d’au moins une personne de niveau bac + 5 ;

– transférabilité des résultats obtenus, qui doivent représenter un écart significatif par rapport à l’état de l’art d’origine.

(Pour plus de précisions, voir les critères du manuel de Frascati) 

Critères d’Innovation (CII) :

– les travaux réalisés doivent permettre de concevoir ou de réaliser un prototype ou une installation pilote d’un produit nouveau ;

– est considéré comme nouveau produit un bien corporel ou incorporel qui satisfait aux deux conditions cumulatives suivantes : il n’est pas encore mis sur le marché ; il se distingue des produits existants par des performances supérieures.

(Pour plus de précisions, voir les critères du manuel d’Oslo) 

Mais ce n’est pas tout !…

Deuxième famille de critères : COMPTABLES 

Remplir parfaitement les critères techniques ci-dessus ne suffit pas pour bénéficier du CIR-CII. Trop d’entreprises l’ignorent – ou l’oublient – mais elles doivent également justifier de dépenses entrant dans les « bonnes cases » : 

> Masse salariale

> Sous-traitance publique ou agréée (pour la sous-traitance agréée, attention au plafond dit des « 3 fois », voir ci-dessous)

> Dotation aux amortissements des immobilisations utilisées pour la R&D et/ou l’innovation

> Dépenses de veille technologique

> Dépenses de brevets

Une entreprise peut en effet réaliser des travaux qualifiant parfaitement aux critères techniques, et qui lui coûtent parfois des sommes considérables, sans pouvoir prétendre au moindre euro au titre du CIR-CII !

Illustration par l’exemple :

Une startup dont les trois dirigeants, brillants ingénieurs, ont levé 1 M d’euros qu’ils dépensent intégralement en R&D selon le schéma suivant, n’aura droit à rien au titre du CIR-CII :

1. Par prudence, et grâce aux Assedic, les dirigeants ne se rémunèrent pas les premières années ;

2. Ils font travailler sur leurs projets 7 ingénieurs et jeunes docteurs free-lances ultra-qualifiés (coût pour l’entreprise : 230.000 €) ;

3. Ils sous-traitent une partie de leur R&D en Inde auprès d’une entreprise reconnue pour ses avancées majeures en matière d’Intelligence Artificielle (coût pour l’entreprise : 360.000 €) ;

4. Ils sous-traitent une autre partie de leur R&D auprès d’un sous-traitant français leader en matière de Deep Learning, dûment agréé CIR par le Ministère de la Recherche (coût pour l’entreprise : 410.000 €).

La seule dépense entrant dans les « bonnes cases » est la sous-traitance agréée par le Ministère de la Recherche (point 4 ci-dessus) : malheureusement, la sous-traitance privée agréée est plafonnée à 3 fois les autres dépenses R&D éligibles (0 euro dans l’exemple ci-dessus). L’entreprise aura ainsi droit à 3 x 0 = 0 € au titre du CIR !

Ces critères comptables liés aux dépenses éligibles, encore trop souvent mal connus ou mal anticipés par les entreprises, engendrent souvent des déceptions chez les dirigeants d’entreprises qui espèrent bénéficier du Crédit Impôt Recherche. Dans le cas d’une petite structure en pleine expansion, l’impact peut s’avérer dramatique.  

Mais ce n’est pas tout !…

Dernière famille de critères : LES PIÈCES JUSTIFICATIVES

Remplir parfaitement les critères techniques ET réaliser des dépenses qui s’inscrivent parfaitement dans les « bonnes cases » comptables ne suffit toujours pas pour bénéficier du CIR-CII !

Encore faut-il pourvoir justifier de son éligibilité auprès de l’Administration.

Ceci se fait d’une part au moyen de l’ensemble des pièces comptables afférentes au dossier (bulletins de paie, CV, diplômes, factures de sous-traitance, dotations aux amortissements, etc), et d’autre part, et surtout, au moyen d’un dossier technique ou scientifique, très détaillé, de description des travaux réalisés.

Si l’entreprise, malgré la qualité de ses travaux et malgré des dépenses tout-à-fait éligibles, n’est pas capable de produire un dossier technique susceptible de démontrer à l’Administration son éligibilité, le CIR-CII ne lui sera pas dû.

C’est parfois malheureusement le cas, notamment :

– si l’entreprise ne documente pas suffisamment ses travaux au fil de l’eau, et en perd ainsi la mémoire,

– si les principaux acteurs de la R&D ou de l’Innovation ont quitté l’entreprise au moment de documenter (en année n+1) les travaux de l’année n, 

– si le mode de fonctionnement de l’entreprise ne lui permet pas d’avoir le recul nécessaire pour décrire ses travaux (par exemple, dans certains cas,  si elle travaille en méthode Agile),

– si elle est dans l’incapacité de dégager les ressources internes, essentiellement en temps, indispensables à la rédaction des dossiers techniques (c’est par exemple le cas de certaines ESN),

– si des accords de confidentialité interdisent à l’entreprise de décrire ses travaux (c’est aussi le cas de certaines ESN).

Conclusion :

L’obtention du CIR-CII n’est donc pas seulement conditionnée, comme on le croit souvent, par le fait de remplir les critères techniques d’éligibilité, encore faut-il que le compte d’exploitation de l’entreprise atteste des catégories de dépenses prévues par la loi régissant ce dispositif, et que l’entreprise puisse documenter ses travaux de manière convaincante aux yeux de l’Administration.